vendredi 15 mars 2013

Journal d'une apprentie vigneronne #1


Je me suis toujours intéressée à la viticulture, sa maîtrise est la base pour produire du bon vin. Depuis mon travail dans les vignes chez Jean-PierrePradier, est née également l’envie d’avoir une parcelle. C’est chose faite ! Enfin… presque. Elle ne m’appartient pas, il s’agit d’une location. Et ce n’est pas sans difficulté que cette location a pu se conclure. La parcelle devait remplir certains critères : avoir des vignes en bonne santé, ne pas être en plaine, être plantée en Gamay, je précise Gamay d’Auvergne majoritaire – ce qui implique de vieilles vignes –, ne pas avoir une faible densité de plantation et diminuer les risques de contamination de produits phytosanitaires en étant le moins proche possible d’autres cultures conventionnelles ou la possibilité de planter des haies de protection.

La précieuse aide des vignerons


Avoir des exigences c’est bien, mais ensuite il faut trouver la parcelle et… convaincre le propriétaire de la céder ou de la louer. L’aide des vignerons du coin a été précieuse. C’est grâce à eux que cette histoire a pu être initiée. Une sorte de cooptation était nécessaire surtout lorsque l’on n’est pas soi-même issu du monde agricole. La parcelle est celle que travaillait Pierre Deshors, vigneron au Crest, il souhaitait arrêter car elle est éloignée de ses autres vignes et elle est très petite. Il a fait toutes les démarches auprès du propriétaire pour le convaincre de la louer à nouveau. Je tiens à lui dire un grand MERCI. Sans lui, rien n’aurait été possible. 

Pierre Deshors crédit photo Vin de Presse
Le seul bémol, c’est la volonté des vignerons de me faire passer le rite initiatique qui permet de rentrer dans la communauté vigneronne auvergnate. Et bien évidemment comme tout rite initiatique, celui-ci reste secret jusqu’à son accomplissement… Vu les sourires en coin, les regards entendus, j’ai peur ! Et je ne sais pas pourquoi, je pense que mon système digestif et ma tête, ne vont pas du tout mais alors du tout apprécier… Bon après, il faut positiver, si je survie, je ferai partie de la tribu.

Un micro domaine


Lorsque je vous dit qu’il s’agit d’une petite parcelle, je devrai plutôt dire une micro parcelle : 20 ares, même pas un demi hectare. Certes, c’est microscopique mais suffisant pour faire son apprentissage et continuer de mener des activités professionnelles, en parallèle. Cette vigne n’a jamais été désherbée car les propriétaires ont imposé aux différents locataires l’interdiction d’utiliser du désherbant. Et là, c’est la petite cerise, sur le gâteau. Une fois la location de parcelle obtenue, l’aspect administratif laisse la place à l’aspect pratique viticole du moment : la taille. 

Crédit photo Vin de Presse

La taille  

 

Petit rappel sur les fonctions principales de la taille : celle-ci sert à maîtriser la vigueur de la vigne, la quantité de raisins produits ainsi que le maintien dans un espace donné, le rang. La délimitation de son espace facilite l’entretien de la vigne et le travail des sols. La taille s’inscrit sur une temporalité de deux ans. Pourquoi ? La vigne ne peut produire des fruits que sur un rameau de un an qui a poussé sur un bois de deux ans. Il faut donc tailler en gardant les rameaux fructifères – ceux qui donneront des fruits – et en se projetant sur la taille de l’année prochaine. Il ne faut pas se tromper sinon… pas de raisin !
crédit photo Vin de Presse
Si la taille était autrefois une tâche exclusivement masculine et bien… ce n’est pas un hasard… faut du biscoto et en particulier sur certaines tailles. Le sécateur électrique est utile pour diminuer l’effort physique mais il a un coût bien plus important que le sécateur classique. Néanmoins, il faut impérativement un sécateur avec une poignée tournante qui ménage les tendons de la main si l’on force trop, c’est la tendinite assurée. Tendinite = impossible de tailler pendant plusieurs jours 

C'est bien joli la théorie mais...


A l’école, on nous apprend la taille sur des livres avec de belles illustrations d’une vigne bien droite et facile à tailler. En revanche, la réalité… ne ressemble pas vraiment à la perfection picturale des livres ! Et lorsqu’il s’agit de vieilles vignes encore moins. La vigne, cette charmante liane, elle ne prend pas toujours la forme que l’on aurait souhaitée pour nous faciliter la tâche. Non, parfois, elle nous emmerde carrément et il faut s’agiter les méninges pour essayer – quand même – de la contraindre à prendre un autre chemin, celui que nous avons choisi. 

Pour cela, il faut non seulement s’armer de patience et d’un sécateur mais aussi d’une grosse pince et d’une petite scie. A me lire, je suis sûre que la première image qui vous vient à l’esprit est celle d’un bûcheron et non d’un vigneron. Et pourtant, un simple sécateur ne suffit pas. Il servira à couper les rameaux fins mais il sera aussi nécessaire d’avoir une pince pour couper les ‘bras’ – des rameaux devenu épais – et une scie pour éliminer une partie du cep que l’on veut rectifier. Et enfin, il faut affronter la vigne avec tous ses caprices de liane libertaire !

Alors cette taille ?


Certes c’est une tâche répétitive mais chaque cep est différent, avec sa personnalité. Il faut prendre le temps de le comprendre, d’agir en conséquence, ne pas se précipiter. On peut avoir un bon gros cep vigoureux dont il faut un peu réfréner les ardeurs mais pas trop, sinon il sera trop contrarié et cela le rendra malheureux. Un cep chétif à qui on a trop demandé qu’il faut ménager pour ne pas le perdre. Un autre un peu trop anarchiste qui pousse n’importe comment et qu’il faut raisonner, sans le brusquer. Et puis malheureusement, ceux pour qui on ne peut plus rien faire, qui ont rendu l’âme.

Et puis, on est là, en pleine nature, seul le bruit du sécateur, nous accompagne. Un petit rayon de soleil vient nous chauffer le dos et la taille devient un véritable plaisir. On n’a plus froid, la température augmente et la vigne se manifeste, on voit des gouttes de sève formées des bulles sur les plaies de taille. Ce sont les pleurs, elle revient de sa période de dormance, elle se réveille et cette sève va nous aider en nettoyant les plaies de taille. On voit les insectes : coccinelles, araignées qui nous tiennent compagnie. Ces précieux auxiliaires. 

Alors on prend le temps, quelques instants, de regarder le sol pour découvrir la richesse de la parcelle : du basalte, du granit, du gneiss, du quartz. On ramasse quelques cailloux que l’on met dans sa poche, souvenir de cette première journée. On regarde les plantes qui poussent entre les rangs pour constater la diversité et se dire que notre sol est vivant. On pense, non sans fierté, que c’est un bon choix de parcelle. On est heureux du travail accompli et de devenir une apprentie vigneronne. C’est un rêve qui devient réalité.

crédit photo Vin de Presse

lundi 4 mars 2013

Le monde en bouteille et des recettes au bout de la fourchette épisode 2

El dorado : le piment des Incas et le Pisco métisse 


Par Samia Iommi-Amuntagui et Sonia Lopez Calleja

« Pour bien aimer un pays, il faut le manger, le boire et l’entendre chanter ». Cette phrase de Michel Déon, résume très bien le projet en duo que nous avons souhaité mettre en place Samia Iommi-Amuntagui, blogueuse culinaire de Cuisine et Sentiments et moi, sur ce blog. Dans une série d’articles croisés, nous allons vous faire manger et boire le monde pour mieux le découvrir. Nous n’avons cependant pas déterminé qui de nous deux chantera…

Pour ce deuxième opus, nous vous amenons dans un pays aux nombreuses richesses réelles ou fantasmées, celui que les conquistadors espagnols appelaient El Dorado. Le pays des Incas. Le Pérou est une société profondément métissée, marquée par l’histoire des migrations qui se sont succédées sur son territoire. Populations amérindiennes, Espagnols, esclaves africains, asiatiques – Chinois venus construire les voies ferrées ou diaspora japonaise[1] des années 1930 – et des européens. On retrouve ce métissage dans la musique criolla et afro-péruvienne[2] mais aussi dans sa gastronomie. 


Partons donc à la découverte de la gastronomie et des boissons de ce pays. Samia vous a préparé quelques plats caliente, muy caliente qui vous réchaufferont en ces jours glacés d’hiver. Quant à moi, je vais vous faire découvrir le vignoble péruvien – hé oui, il y a des vignes au Pérou – le Pisco et le Pisco Sour, les boissons traditionnelles et l’Inca Kola contre lequel Coca Cola ne parvient pas à s’imposer !

dimanche 24 février 2013

VdV # 53 : Quinta das Lamelas, Porto Tawny et orangers

Ce mois-ci, dans les VdV[1] #53, c’est Sand G. notre présidente, la blogueuse anti-déprime, celle qui nous fait rire, chaque jour avec son incroyable humour, elle nous propose le thème suivant :

« Qu’ils soient orange par leur couleur, leurs arômes, leur type de vinification (les sacrés pinards de macération, d’amphores, etc) leur étiquette… Le champ des possibles est vaste, ça vous permet d’aller à peu près partout. Tant que l’on y trouve de l’orange. »

En lisant le sujet, je mesurai la difficulté de trouver à Clermont-Ferrand des vins de macération qu’ils soient français ou étrangers ou de me procurer un vin de la principauté d’orange. Un vin avec une étiquette orange me semblait plus facile à dénicher. Seulement voilà, l’idée ne me plaisait pas, trop simple et pas très amusant. Après avoir donc éliminé ces différentes possibilités, il ne m’en restait plus que deux : des vins ayant une couleur orange mais qui ne soient pas des vins de macération et/ou des arômes d’orange.