Je
me suis toujours intéressée à la viticulture, sa maîtrise est la base pour
produire du bon vin. Depuis mon travail dans les vignes chez Jean-PierrePradier, est née également l’envie d’avoir une parcelle. C’est chose
faite ! Enfin… presque. Elle ne m’appartient pas, il s’agit d’une
location. Et ce n’est pas sans difficulté que cette location a pu se conclure.
La parcelle devait remplir certains critères : avoir des vignes en bonne
santé, ne pas être en plaine, être plantée en Gamay, je précise Gamay d’Auvergne
majoritaire – ce qui implique de vieilles vignes –, ne pas avoir une faible
densité de plantation et diminuer les risques de contamination de produits
phytosanitaires en étant le moins proche possible d’autres cultures
conventionnelles ou la possibilité de planter des haies de protection.
La précieuse aide des vignerons
Avoir
des exigences c’est bien, mais ensuite il faut trouver la parcelle et…
convaincre le propriétaire de la céder ou de la louer. L’aide des vignerons du
coin a été précieuse. C’est grâce à eux que cette histoire a pu être initiée.
Une sorte de cooptation était nécessaire surtout lorsque l’on n’est pas
soi-même issu du monde agricole. La parcelle est celle que travaillait Pierre
Deshors, vigneron au Crest, il souhaitait arrêter car elle est éloignée de ses
autres vignes et elle est très petite. Il a fait toutes les démarches auprès du
propriétaire pour le convaincre de la louer à nouveau. Je tiens à lui dire un
grand MERCI. Sans lui, rien n’aurait été possible.
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Le
seul bémol, c’est la volonté des vignerons de me faire passer le rite
initiatique qui permet de rentrer dans la communauté vigneronne auvergnate. Et
bien évidemment comme tout rite initiatique, celui-ci reste secret jusqu’à son
accomplissement… Vu les sourires en coin, les regards entendus, j’ai
peur ! Et je ne sais pas pourquoi, je pense que mon système digestif et ma
tête, ne vont pas du tout mais alors du tout apprécier… Bon après, il faut
positiver, si je survie, je ferai partie de la tribu.
Un micro domaine
Lorsque
je vous dit qu’il s’agit d’une petite parcelle, je devrai plutôt dire une micro
parcelle : 20 ares, même pas un demi hectare. Certes, c’est microscopique
mais suffisant pour faire son apprentissage et continuer de mener des activités
professionnelles, en parallèle. Cette vigne n’a jamais été désherbée car les
propriétaires ont imposé aux différents locataires l’interdiction d’utiliser du
désherbant. Et là, c’est la petite cerise, sur le gâteau. Une fois la location
de parcelle obtenue, l’aspect administratif laisse la place à l’aspect pratique
viticole du moment : la taille.
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La taille
Petit
rappel sur les fonctions principales de la taille : celle-ci sert à
maîtriser la vigueur de la vigne, la quantité de raisins produits ainsi que le
maintien dans un espace donné, le rang. La délimitation de son espace facilite
l’entretien de la vigne et le travail des sols. La taille s’inscrit sur une
temporalité de deux ans. Pourquoi ? La vigne ne peut produire des fruits
que sur un rameau de un an qui a poussé sur un bois de deux ans. Il faut donc
tailler en gardant les rameaux fructifères – ceux qui donneront des fruits – et
en se projetant sur la taille de l’année prochaine. Il ne faut pas se tromper
sinon… pas de raisin !
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Si
la taille était autrefois une tâche exclusivement masculine et bien… ce n’est
pas un hasard… faut du biscoto et en particulier sur certaines tailles. Le
sécateur électrique est utile pour diminuer l’effort physique mais il a un coût
bien plus important que le sécateur classique. Néanmoins, il faut
impérativement un sécateur avec une poignée tournante qui ménage les tendons de
la main si l’on force trop, c’est la tendinite assurée. Tendinite = impossible
de tailler pendant plusieurs jours
C'est bien joli la théorie mais...
A
l’école, on nous apprend la taille sur des livres avec de belles illustrations
d’une vigne bien droite et facile à tailler. En revanche, la réalité… ne
ressemble pas vraiment à la perfection picturale des livres ! Et lorsqu’il
s’agit de vieilles vignes encore moins. La vigne, cette charmante liane, elle
ne prend pas toujours la forme que l’on aurait souhaitée pour nous faciliter la
tâche. Non, parfois, elle nous emmerde carrément et il faut s’agiter les
méninges pour essayer – quand même – de la contraindre à prendre un autre
chemin, celui que nous avons choisi.
Pour
cela, il faut non seulement s’armer de patience et d’un sécateur mais aussi
d’une grosse pince et d’une petite scie. A me lire, je suis sûre que la
première image qui vous vient à l’esprit est celle d’un bûcheron et non d’un
vigneron. Et pourtant, un simple sécateur ne suffit pas. Il servira à couper
les rameaux fins mais il sera aussi nécessaire d’avoir une pince pour couper
les ‘bras’ – des rameaux devenu épais – et une scie pour éliminer une partie du
cep que l’on veut rectifier. Et enfin, il faut affronter la vigne avec tous ses
caprices de liane libertaire !
Alors cette taille ?
Certes
c’est une tâche répétitive mais chaque cep est différent, avec sa personnalité.
Il faut prendre le temps de le comprendre, d’agir en conséquence, ne pas se
précipiter. On peut avoir un bon gros cep vigoureux dont il faut un peu
réfréner les ardeurs mais pas trop, sinon il sera trop contrarié et cela le
rendra malheureux. Un cep chétif à qui on a trop demandé qu’il faut ménager
pour ne pas le perdre. Un autre un peu trop anarchiste qui pousse n’importe
comment et qu’il faut raisonner, sans le brusquer. Et puis malheureusement,
ceux pour qui on ne peut plus rien faire, qui ont rendu l’âme.
Et
puis, on est là, en pleine nature, seul le bruit du sécateur, nous accompagne.
Un petit rayon de soleil vient nous chauffer le dos et la taille devient un
véritable plaisir. On n’a plus froid, la température augmente et la vigne se
manifeste, on voit des gouttes de sève formées des bulles sur les plaies de
taille. Ce sont les pleurs, elle revient de sa période de dormance, elle se réveille
et cette sève va nous aider en nettoyant les plaies de taille. On voit les
insectes : coccinelles, araignées qui nous tiennent compagnie. Ces
précieux auxiliaires.
Alors
on prend le temps, quelques instants, de regarder le sol pour découvrir la
richesse de la parcelle : du basalte, du granit, du gneiss, du quartz. On
ramasse quelques cailloux que l’on met dans sa poche, souvenir de cette première
journée. On regarde les plantes qui poussent entre les rangs pour constater la
diversité et se dire que notre sol est vivant. On pense, non sans fierté, que
c’est un bon choix de parcelle. On est heureux du travail accompli et de devenir
une apprentie vigneronne. C’est un rêve qui devient réalité.
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