Aujourd’hui
c’est vendredi, et le dernier vendredi du mois, ce n’est pas ravioli[1] mais les
Vendredis du Vin. Le sujet de ce mois de juillet, concocté par votre présidente
éphémère est le suivant : les vins en série font leur cinéma. Associer une
musique de série ou de film à un vin, peu importe le genre ou la date de
diffusion de cette musique, ce qui compte c’est l’univers qui l’entoure,
l’émotion qu’elle vous procure et ce qu’elle vous donne envie de boire.
Et
là, c’est le drame… ou presque ! La difficulté de choisir parmi les
nombreuses musiques qui se bousculent dans mes souvenirs d’enfant, d’ado, d’adulte.
Avec des parents grands amateurs de cinéma, défilent alors en vrac les
classiques du cinéma asiatique, américain, espagnol, mexicain, … les films de
genre : sabre, western, comédie musicale, … Et puis, un film, une musique qui
me relient à mes parents, mon enfance et mon adolescence et qui fait partie de
mes classiques d’adulte.
Ce film c’est Cria Cuervos[2]
de Carlos Saura. Ce dernier est un des plus grands réalisateurs du cinéma
espagnol avec Luis Buñuel et Pedro Almodovar. Une filmographie, éclectique, née
sous le franquisme qui tout comme le cinéma iranien a su jouer du symbolisme
pour contrer la censure. Ce film est sorti juste après la mort de Franco en
1976. L’Espagne était en pleine transition démocratique avec l’espoir d’une
société moins liberticide et qui aboutira au mouvement de la movidad (un peu
notre nouvelle vague à nous, version année 1980) incarné au cinéma par Almodovar.
Ce film
est centré sur le personnage d’Ana, jeune orpheline, qui se réfugie dans un
monde onirique et dans ses souvenirs pour faire revivre sa mère. Elle refuse le
monde adulte et s’invente des pouvoirs. Présenté ainsi, le film pourrait
sembler triste, lourd, pesant mais ce n’est pas du tout cela. Il est rempli de
scènes tragi-comiques avec quelques touches de surréalisme.
La
musique du film que tous les trentenaires espagnols connaissent a été
interprétée par Jeannette : porque te vas. Tout comme le film, les paroles
pourraient laisser penser à une tragédie mais la musique, elle ne l’est pas. Un
pied de nez en quelque sorte.
Et
le vin ?
Et
bien un vin espagnol, bien-sûr ! Mais élaboré par un Français, Olivier
Rivière, la cuvée Gabacho[3]. C’est
un rioja, mais tout comme l’héroïne, c’est un rioja rebelle, un rioja qui ne
rentre pas dans les normes des vins de la région. Un rioja d’altitude, de
fruit, de fraîcheur mais avec de la matière, un vin dense, lumineux et beau. Un
vin qui ne se laisse pas impressionner par les carcans du boisé, surconcentré
que l’on retrouve abondamment dans la région.
Un
vin qui comme la musique appelle le soleil, la joie de vivre, donne envie
chanter, … Un vin qui vous ranime ! Un vin qu’il faut carafer, parce que
sous ses airs un peu réducteurs au nez, c’est une bombe de fruits mûrs, légèrement
compotés. Il a un petit côté sauvageon, comme notre héroïne. Les tanins sont
là, mais mûrs, fondus, soyeux, participant à la matière du vin. Bref, c’est beau !
Ha mince, la bouteille est vide…
[1]
Un clin d’œil à une réplique du film « La vie est long fleuve
tranquille » : - mercredi c’est ravioli !
[2]
Le titre fait référence à un dicton espagnol : cria cuervos y te quitaran
los ojos (élèvent des corbeaux et ils t’arracheront les yeux). Cela renvoie aux
sacrifices que font les parents (et en particulier les mères) pour leurs
enfants et à l’ingratitude des ces derniers.
[3]
Gabacho, terme péjoratif qui désigne les Français. C'est donc, non sans un certain humour qu'Olivier Rivière a choisi ce nom pour sa cuvée.
...et il n'y a pas que les trentenaires espagnols qui connaissent "Cria Cuervos" et "Porque te vas"... Les cinquantenaires français aussi...
RépondreSupprimerOui, je crois que cette chanson à traverser le temps jusqu'à nos jours.
RépondreSupprimerChez nous, c'est le mec qui ne parle pas Catalan. Le gabache, par exemple, c'est le Languedocien. Mais ce pourrait être aussi l'Espagnol, non ? Quoiqu'il en soit, merci pour cette belle lecture ;-)
RépondreSupprimerD'après ce que j'ai lu, il semblerait que ce soit celui qui vient du nord. Le sens doit certainement changer selon les régions.
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